Tuesday, June 30, 2015

Jean Kenge: Avis de tempête en RD Congo

Les consultations menées tambour battant par Joseph Kabila depuis le 1er juin dernier ont permis aux observateurs de la scène politique congolaise, au stade actuel, de faire trois types de constats.
Premièrement : les élections locales devraient être reportées, d’une part en raison de multiples retards sur le calendrier, d’autre part à cause de l’absence de la loi sur la répartition des sièges récemment rejetée par l’Assemblée Nationale, enfin du fait que la communauté internationale rechigne à mettre la main à la poche quand, de l’avis du chef de l’Etat congolais lui-même, «la démocratie commence à coûter cher».

Un avis qui a été très mal accueilli dans l’opinion, où il a été généralement interprété comme symptomatique d’un état d’esprit bien particulier lorsque, ailleurs, le principe veut justement que le développement soit un indicateur pertinent du degré de liberté et de démocratie dans un pays.
Deuxièmement: si dialogue il doit y avoir, il devrait être circonscrit dans le temps et l’espace, avec un agenda précis tournant autour d’un calendrier consensuel qui ne serait pas un passe-droit sur le délai constitutionnel du mandat du chef de l’Etat. Cet agenda comprendrait aussi l’examen des questions liées au financement du processus électoral, à l’enrôlement des nouveaux majeurs et à la fiabilisation du fichier électoral.

Troisièmement : pour la plupart des acteurs politiques et de la société civile, le vrai problème, c’est Joseph Kabila que les uns et les autres poussent à déclarer solennellement qu’il quitterait le pouvoir, sans tergiversations ni faux-fuyants,  au terme de son deuxième et dernier mandat. Cette déclaration, estime-t-on, contribuerait à décrisper le climat politique, contrairement au flou actuel qui entretient la confusion, le procès d’intention et la suspicion. Une suspicion renforcée par la volonté de Joseph Kabila et du bureau de l’Assemblée nationale d’organiser à tout prix une session extraordinaire du parlement sur la loi portant répartition des sièges pour les élections locales.

Avis de tempête

Cette proposition fait évidemment craindre à l’opposition et à la communauté internationale un trop plein d’élections susceptible d’allonger les délais et de déboucher, du fait de l’accumulation des retards et des reports, sur le glissement tant redouté.

Pour l’opposition, de la même manière qu’il n’était pas tombé sur la tête des Congolais lors des cycles de 2006 et 2011, le ciel ne devrait pas non plus tomber cette fois si les élections locales étaient reportées non pas sine die mais en2017. Ainsi s’explique la déclaration que les opposants ont faite dimanche 21 juin pour annoncer leur intention de boycotter la session extraordinaire, faisant brusquement monter la tension dans le pays.

Bref, autant d’ingrédients qui annoncent une véritable tempête sur fond de frustrations accumulées depuis des décennies par des Congolais qui n’ont jamais vécu, comme d’autres peuples africains, un processus démocratique totalement abouti.

Par ailleurs, projetée dans le contexte sous-régional dont on connaît à la fois les liens et la forte contagiosité, la situation de la RDC ne peut qu’alimenter les inquiétudes. D’abord face au modèle burundais dont Pierre Nkurunziza s’est fait le champion en réclamant un troisième mandat, sans doute pour son propre confort plutôt que celui de tous ses compatriotes qui veulent le voir respecter la constitution de son pays, souvent au prix de leur sang. Ensuite, face au modèle rwandais dans lequel Paul Kagamé espère se dissimuler derrière des pétitions grotesques pour justifier le hold-up d’un troisième mandat.

A ce stade, deux questions précises se posent. La première : entre ceux qui s’opposent à un troisième mandat du chef de l’Etat ou à un glissement, et ceux qui espèrent y parvenir au prix de n’importe quel artifice, qui constitue une menace au processus électoral et à une fin civilisée du mandat présidentiel ?  A cet égard, la concentration des armes dans certaines provinces n’a pas paru de bon augure à certains analystes qui ont élevé la voix pour attirer l’attention de l’opinion internationale sur la dangerosité d’un cycle électoral irréaliste, ainsi que celle d’un découpage territorial qui n’a jamais été précédé par une réflexion préalable sur la viabilité des nouvelles provinces, des entités territoriales décentralisées, ainsi que sur l’impact de ce changement en termes de recomposition des circonscriptions et de répartition des sièges.

Deuxième question : que va faire ou, plutôt, que peut faire la communauté internationale pour conjurer le chaos ainsi annoncé ?

Alors que certains opposants souhaitent voir les partenaires de la RDC jouer un rôle clé sous l’empire de l’Accord cadre d’Addis-Abeba, les autorités congolaises s’y opposent pour leur part, poussant même les jeunes - pourtant nombreux à vouloir aller vivre en occident pour fuir la misère et le chômage - à s’en méfier au nom de la souveraineté de leur pays.

 Par ailleurs, aux termes de sa résolution 2098, le Conseil de sécurité des Nations Unies a demandé au Représentant spécial pour la République démocratique du Congo de s’acquitter, au moyen de ses bons offices, entre autres tâches, de celle définie au point b du paragraphe 14 :«Promouvoir un dialogue politique transparent et sans exclusive entre toutes les parties prenantes congolaises en vue de favoriser la réconciliation et la démocratisation et encourager l’organisation d’élections provinciales et locales crédibles et transparentes».

Face à cette mission, la communauté internationale est demeurée assez  attentiste, ce qui ne veut pas dire passive. Refusant jusque-là de mettre la main à la poche, elle a indiqué - après la rencontre entre Joseph Kabila et les ambassadeurs le jeudi 11 juin dans le cadre des consultations –que sept élections en moins de deux ans c’était beaucoup et coûteux, avant d’encourager le report des élections non indispensables (locales), et de prêcher l’enrôlement des nouveaux majeurs ainsi que le respect de la constitution.

Un enjeu majeur

La lecture qui a été généralement faite à Kinshasa de cette prise de position est qu’elle est à prendre ou à laisser, notamment pour ce qui concerne le volet financement du processus électoral. Ce qui ne veut nullement dire que la communauté internationale se désintéresserait totalement de la RDC. Bien au contraire.
Premièrement, la RD Congo est un enjeu stratégique de par sa position au cœur du continent, où il partage la frontière avec neuf autres pays. Cette position en fait un élément essentiel dans la stabilisation de la sous-région mais aussi la clé du commerce transafricain, dont la RDC devrait constituer une sorte de «hub» naturel.

Ensuite, la RD Congo devrait constituer un enjeu majeur pour l’avenir de la planète par ses nombreux et gigantesques gisements miniers, qui en font un scandale géologique, mais aussi par son statut de deuxième réservoir mondial de la biodiversité après l’Amazonie.

Au moment où des islamistes se sont installés en Somalie, lorgnant sur le Kenya avant de menacer toute l’Afrique de l’Est ; au moment où Al Qaïda au Maghreb Islamique projette d’étendre ses tentacules à travers tous les pays du Sahel ; au moment où Boko Haram menace le Nigeria, le Tchad et le Cameroun pour mieux progresser vers les pays fragiles de l’Afrique centrale et de l’Ouest; au moment où des groupes armés plus ou moins soutenus par des chefs locaux ainsi que des éléments indisciplinés de l’armée continuent de semer la terreur pour mieux s’enrichir des trafics les plus divers (bois, minerais, espèces animales et végétales ), menaçant l’autorité de l’Etat et l’intégrité du pays, la RDC devrait progressivement retrouver le statut et le rôle qui furent les siens au plus fort de la guerre froide : un verrou et un rempart s’étalant sur toute la largeur de l’Afrique centrale, de l’est à l’ouest. En d’autres termes, après les bricolages post dialogue intercongolais, les élections chahutées de 2006  et 2011, ne pas s’impliquer dans la stabilisation à long terme de la RDC constituerait pour ses partenaires une erreur stratégique grave.

En attendant, l’avis de tempête est bel et bien lancé.





Tuesday, June 23, 2015

Jean Kenge: Incertitudes autour du processus électoral

Les dernières nouvelles en République Démocratique du Congo ne sont pas toujours aussi bonnes que le calme apparent qui y règne le laisserait croire. En effet, les événements se sont brusquement accélérés, comme s’ils voulaient échapper à tout contrôle, au point que les observateurs s’interrogent sur ce que réserve la suite dans une configuration où tous les acteurs semblent déterminés à jouer leur va-tout.

Jeudi 11 juin, Joseph Kabila venait de recevoir au Palais de la Nation une délégation des ambassadeurs accrédités à Kinshasa dans le cadre des consultations qu’il avait entamées début juin sur l’organisation du dialogue politique et d’instruire les gouverneurs de provinces de poursuivre le travail en provinces. Coup de tonnerre deux jours après, samedi 13 juin, avec le renvoi par l’Assemblée nationale du projet de loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections municipales et locales.

Ce projet comporte «des problèmes qui doivent nécessairement être réglés», a indiqué Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale. De nombreux députés nationaux ont en outre dénoncé des tentatives de fraude dans la répartition des sièges, expliquant  que plusieurs groupements et secteurs prévus dans le projet sont soit inexistants soit objet de contentieux majeurs. D’autres ont fait allusion au recensement électoral de 2004 et à son actualisation en 2011  pour fustiger le manque de cohérence entre les chiffres contenus dans le projet de loi et la réalité sur le terrain.

« Comment vous pouvez comprendre que vous ayez des secteurs ou vous n’avez pas de groupements et des groupements ou vous n’avez pas de village. Et par dessus tout, il y avait dans cette loi des groupements où il y avait zéro électeur à qui on avait attribué un siège», s’est insurgé pour sa part le député de l’opposition Delly Sessanga.

Dans un autre pays, un échec aussi majeur aurait poussé le gouvernement à admettre sa responsabilité. Notamment pour avoir créé des nouvelles communes en 2012 et 2013, bien au-delà du dernier enrôlement des électeurs, rendant ainsi encore plus délicate la problématique de la répartition des sièges.

Le calendrier «allégé»

Le rejet du projet de loi sur la répartition des sièges par l’Assemblée nationale n’a pas outre mesure surpris les observateurs de la vie politique congolaise. La majorité elle-même était divisée sur la question. Des sources proches du gouvernement ont ainsi indiqué que le ministre PPRD en charge de la décentralisation a en vain alerté son collègue de l’Intérieur sur les incohérences du texte tout en plaidant en faveur d’une plus grande harmonisation.

On pourrait craindre que l’effet de ce développement soit que le calendrier électoral s’en trouve considérablement bouleversé. Député de la majorité, Thomas Lokondo le déplore amèrement : «c’est une manière de faire voir aux gens aussi que la volonté politique n’y était pas. On ne peut pas nous présenter une loi aussi importante en retard comme ça. Ajouter à cela, l’épineux problème financier, il est évident que les élections seront reportées pour 2017».

Ce que le député sous-entend, c’est que le parlement est en principe en vacances pour trois mois. Difficile dans ces conditions, même avec toute la bonne volonté du monde, de rattraper le retard sur le calendrier électoral, y compris après une session extraordinaire.

En revanche, ce nouveau rebondissement pourrait servir de catalyseur au souhait de l’opposition et de la société civile, comme aussi des principaux partenaires de la RDC, qui ont récemment plaidé en faveur du report des élections locales, à la fois pour des raisons budgétaires mais aussi pour éviter que le trop plein des élections ne soit la cause ou le prétexte à un débordement sur le délai constitutionnel. Leader du RCD, Azarias Ruberwa Maniwa indiquait, au sortir de la consultation au Palais de la Nation avec Joseph Kabila,  que la RDC ne serait pas en mesure d’organiser les 7 élections prévues par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) en une année : «Raisonnablement, il n’est pas possible de tenir un tel cycle électoral. D’abord par rapport au facteur temps et budget, mais aussi par rapport aux tensions résultant de toutes ces élections qui peuvent causer d’énormes crises». Même tonalité chez le député Ne Mwanda Nsemi, leader du parti Congo Pax (Opposition) : «Nous voulons aller aux élections et nous ne sommes même pas prêts à présenter le fichier électoral à ceux qui en ont besoin. La suite c’est laquelle ? C’est que les élections sont une aventure et moi je ne suis pas prêt à m’engager dans une aventure».

Bref, il est permis de penser, à ce stade,  que ce n’est pas cette année que les Congolais éliront leurs conseillers de groupements, leurs conseillers municipaux et urbains, moins encore, si l’on n’y prend garde, leurs députés provinciaux. Du coup, ce n’est pas non plus l’année prochaine que les Congolais pourraient avoir leurs nouveaux bourgmestres,  maires, gouverneurs et sénateurs. En revanche, cet «allégement»  non désiré du calendrier électoral permettrait à la CENI ainsi qu’à toute la classe politique de se concentrer sur les législatives nationales et la présidentielle de l’année prochaine.

Incertitudes autour du processus électoral

Face à une situation pour le moins inédite, la réaction de la CENI était presque pathétique dans la bouche de son rapporteur Jean Pierre Kalamba. «La Ceni avait conditionné le lancement de l’inscription des candidats aux élections municipales et locales à l’adoption et la promulgation de cette loi. Si c’est une décision remise, la CENI attend, il n’y a pas de problème. Comme moi, tout le monde a suivi que le président de l’Assemblée préconisait une session extraordinaire. Il peut avoir 30 jours ou 15 jours. Une affaire de 30 jours tout au plus, la CENI attend, il n’y a pas mort d’homme pour ça».

Plus facile à dire qu’à réaliser. Le ministère de l’intérieur ne possède tout simplement pas les données nécessaires pour faire une répartition correcte des sièges, à cause du non-enrôlement des nouveaux majeurs, les lacunes du dernier enrôlement de 2011, et la création ultérieure des nouvelles communes.

Et même si un consensus semble émerger autour d’un report des élections locales, on est toujours loin de savoir de quelle manière ce consensus pourrait se manifester. L’opposition semble en effet évoluer vers un rejet définitif du dialogue proposé par Kabila, alors que la réunion tripartite avec la CENI du mardi 23 juin aurait engendré encore plus de discorde au sein de la classe politique. En plus, le report des élections locales ne résoudrait toujours pas le problème de fond concernant la viabilité de la nouvelle administration locale, qui risque de rajouter à la cacophonie et à la conflictualité latente. Des conflits qui viendraient se greffer sur l’impossible cohabitation qui se dessine entre les administrateurs de territoires par exemple, les bourgmestres des communes rurales et les chefs de secteurs dont certains groupements seraient incorporés dans les communes rurales.

La tentation du forcing 

Plus que jamais, la RDC aborde la zone des turbulences. D’autant qu’aux dernières nouvelles, c’est l’hypothèse d’une session extraordinaire du parlement qui serait privilégiée, quand bien même il est évident que celle-ci n’offrira aucune réponse concrète aux immenses défis financiers, techniques et logistiques auxquels la centrale électorale doit faire face. Alors que le gouvernement traîne toujours les pieds pour débloquer les fonds, les partenaires pour leur part ne se montrent pas plus enthousiastes à soutenir un processus électoral congolais dont ils critiquent le nombre des élections (7) et la multiplicité des contraintes.  

Pour le reste,  selon plusieurs sources, les partisans du tout pour le tout seraient prêts, lorsque les événements donnent tant l’impression de vouloir échapper à leur contrôle,  à allumer s’il le faut des foyers d’incendie dans l’espoir de jouer les pompiers le moment venu. Il n’est pourtant pas sûr qu’ils maîtrisent le feu dans un sous-continent où les appétits de pouvoir sont plus importants que l’intérêt général. L’incertitude se situe là. 

Jean Kenge Mukengeshayi est le directeur adjoint d'un nouveau projet de recherche sur la RD Congo, le Groupe d'Étude sur le Congo, basé au Centre pour la Cooperation Internationale à l'Université de New York. Il écrit un editorial hebdomadaire pour Congo Siasa. 

Wednesday, June 17, 2015

Poll: How the people of North Kivu feel about their government, elections, and the international community

The McCain Institute, with the support of the Howard Buffett Foundation, has soft-released (the report is not on their website, but has been circulated) a public opinion poll of North Kivu. The institute hired pollsters, who interviewed 1,242 people throughout the province between October and November 2014.

There is almost no nationally representative polling done in the Congo––the best respected Congolese pollster BERCI does some polling on Kinshasa( but rarely publishes this), and Patrick Vinck and Phuong Pham have also conducted surveys on security and justice in the eastern Congo. So this McCain poll one of the few rigorous surveys of political opinion in the eastern Congo in recent years.

The poll produced a few striking findings.

Drop in PPRD popularity. The popularity of Joseph Kabila's main PPRD party has plummeted, with those saying they would vote for the PPRD dropping from 38% in 2011 to 11% in 2014 (although 41% are undecided at the moment). The main beneficiary of this has been the opposition UNC party of Vital Kamerhe, which jumped from 14% to 20%. This drop in popularity for the PPRD was evident across all territories of North Kivu, with the lowest ratings for the PPRD in Lubero territory. We should, however, be careful not to extrapolate too much: the PPRD is not Kabila (he heads a coalition of dozens of parties), and North Kivu is not the Congo––during the same period, according to BERCI, Kabila's approval rating in Kinshasa went up from 36 %to 47% of people saying they had a favorable opinion of the president. (That was before the January violence).

2011 elections 

2014 popularity

No faith in the election commission. Overwhelming majorities said they thought the electoral commission was both biased (66%) and incompetent (65%). Nonetheless, 72% said they were likely to vote in the upcoming local elections, although few (17%) thought the results would reflect the will of the people. This is an extremely troubling result, given the importance of the upcoming polls.

Oppose constitutional revisions. Reflecting the dominant opinions of the national political elite, the population polled opposed (77%) revising the constitution to allow Kabila to run for a third term. It also rejected (55%) allowing provincial MPs to be elected indirectly by local council. Indirect elections in the past have been marred by corruption.

Negative view of UN, favorable view of Congolese security forces. Contrary to some depictions in the media, views of the Congolese army (69%) and police (57%) were much more favorable than those of the UN peacekeeping mission (21%)––this may have now changed a bit due to the successive massacres around Beni. Also, western donors do not come out well compared with other countries––compare the favorability of Tanzania (53%), China (43%) with the UK (27%) and the US (24%).

Favorability ratings
Many would like to see more women in positions of power. While a large percentage of men (21%) and women (17%) would not vote for female candidates, large majorities were in favor of creating quotas for women on local councils and for seeing more female candidates in general.

Friday, June 12, 2015

Guest blog: Le dialogue politique entre clair et obscur

Jean Kenge Mukengeshayi est l'ancien redacteur en chef du Phare.

C’est au début du mois de juin que le chef de l’Etat congolais a entamé des consultations sur le dialogue politique national. Chefs coutumiers, leaders religieux, acteurs de l’opposition comme de la majorité ont fait le déplacement au Palais de la Nation. Jeudi 11 juin était le tour des ambassadeurs, conduits par le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU et patron de la MONUSCO, Martin Kobler. Face au président congolais, les ambassadeurs ont insisté sur le respect de la constitution,  avant de promettre que la communauté internationale jouerait un rôle positif sur les points tels que le fichier électoral, les nouveaux majeurs, le calendrier électoral et les questions budgétaires.

S’il faut s’en tenir au nombre des invités reçus par Joseph Kabila ainsi qu’à l’engouement suscité par son appel, force est  d’admettre que les consultations ont  récolté un succès  plutôt mitigé. Les déclarations faites par les uns comme les postures adoptées par d’autres ont en effet démontré que le chemin reste encore long vers la mise en œuvre effective du dialogue politique.

Divergences

De ces déclarations et postures, il ressort que le premier obstacle dans la mise en œuvre du dialogue réside dans la fracture qui traverse la classe politique, particulièrement au sein de l’opposition. Ainsi, l’Udps qui avait été la première à lancer l’idée de ces assises a refusé de s’associer aux consultations présidentielles. Elle a en plus émis deux préalables qu’elle considère comme des conditions sine qua non. Premièrement : le dialogue doit s’inscrire dans le cadre de l’Accord cadre d’Addis-Abeba. Deuxièmement : le dialogue devra se dérouler sous médiation internationale.

Une posture qui ne peut que satisfaire la communauté internationale très préoccupée par la stabilité de la RDC – et donc de la sous-région – et qui entend par conséquent rester au cœur du dossier congolais par le biais de l’accord d’Addis-Abeba et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité qui l’ont accompagné. Plusieurs analystes ont cependant noté que la volte-face de l’UDPS a coïncidé avec l’apparition des premiers signes de division au sein du parti d’Étienne Tshisekedi entre les pro-dialogue, réunis autour du secrétaire général Bruno Mavungu et dont le principal animateur est Félix Tshilombo Tshisekedi, fils d’Étienne, et les anti-dialogue dont la figure de proue est le conseiller politique du leader de l'UDPS, Valentin Mubake Nombi.

Ces divisions s’ajoutent à celles de l’opposition dans son ensemble, dont plusieurs  composantes ont, contrairement à l'UDPS, rejeté le principe même du dialogue. C’est le cas du MLC de Jean-Pierre Bemba Gombo, de l’UNC de Vital Kamerhe, et de la plateforme Forces Acquises au Changement dirigée par Martin Fayulu. Tous présentent un artifice destiné à conduire, derrière un faux consensus, à un glissement du mandat présidentiel.

Flou autour de l’agenda

Question capitale : que vaudrait, au nom de la stabilité et d’un processus électoral apaisé, un dialogue auquel ne participeraient pas l’Udps comme principale force politique de l’opposition et, bien sûr, le MLC et l’UNC ?

L’autre défi de taille concerne l’agenda des assises. L’UNC, le MLC, les FAC ainsi que d’autres forces politiques et sociales opposées au dialogue stipulent que la seule question qui mérite d’être discutée à ce stade est celle du calendrier électoral, dont il faut expurger les élections locales et même provinciales, afin d’alléger le coût et le délai du processus. Un ordre également validé par l’Udps qui a exclu toute perspective d’une nouvelle transition ou d’un gouvernement d’union nationale qui conduirait au non respect de la constitution en matière de mandat présidentiel.

C’est monseigneur Laurent Monsengwo Pasinya,  archevêque de la ville de Kinshasa, qui a justement résumé la question qui hante le microcosme politique congolais à la suite de sa rencontre avec le chef de l’État : «dialoguer oui, mais dialoguer sur quoi ? »

Du coup, la question de l’agenda se retrouve au cœur de toutes les stratégies des acteurs politiques congolais, quand bien même certains évitent de l’évoquer publiquement. Là où d’aucuns pensent que Joseph Kabila devrait impérativement se prononcer à l’issue des consultations sur l’objet du dialogue, d’autres, comme Stève Mbikayi du Parti Travailliste, proposent la création d’une commission préparatoire chargée de proposer à la fois le contenu et les contours du dialogue.

Prudente, la majorité qui s’est également rendue aux consultations préfère brandir l’argument de la recherche d’un climat apaisé pour aller aux élections. Réponse de l’opposition : tant qu’un ordre du jour précis n’aura pas été défini, c’est bien là l’arbre qui risque de cacher la forêt du glissement.

Podcast: Devon Curtis on the political crisis in Burundi

Here's my interview with Devon Curtis, lecturer at Cambridge University, on the Burundian political crisis. The interview is from last week, so it does not address the most recent developments.

The latest installment of military offensives against the FRPI

Justin Banaloki, aka Cobra Matata, arriving in Kinshasa on January 5th (Courtesy Radio Okapi/Martial Kiza)
On June 3, the Congolese government and the United Nations launched a new offensive against the Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI), a small local militia composed largely of fighters from the Ngiti community in northeastern Ituri district. Most commentators––including apparently the head of the UN mission––thought the operation was noteworthy due to the renewed collaboration between MONUSCO and the FARDC, which had fallen apart in February.

They are, of course, correct. But it is useful to inventory past attempts to deal with the FRPI to understand why the group has persisted for so long. Key factors behind their persistence include: several failed demobilization attempts, allegations of corruption within the Congolese army, and local conflicts over land and power. 

The FRPI might be the oldest Congolese rebel group in existence. It was created in late 2002 as Uganda, Rwanda, and Kinshasa vied for control of the various armed groups in Ituri. When regional strongman Mbusa Nyamwisi lost control of Bunia to Ugandan-backed rebels in August 2002, he decided to throw his lot in with Joseph Kabila's government in Kinshasa. As most of the rebels who had taken Bunia were from the Hema community, it was natural for Mbusa and Kinshasa to mobilize Lendu and Ngiti, the Hemas' rivals. Together, they set up the État major opérationelle intégré (EMOI) in Beni in late 2002 and launched operations to retake Ituri.

(As a side note: the great flaw in the ICC prosecutions of Ituri commanders has been its failure to hold leaders in Kinshasa, Kigali, and Kampala responsible for crimes committed during this period).

It was in this context, and with support from Kinshasa, that the FRPI was created by Dr Bauduoin Adirodu and Germain Katanga, drawing on local self-defense groups from Walendu Bindi collectivité. With the support of Kinshasa––and briefly from Kampala––the FRPI was part of a coalition that took over Bunia in March 2003. When the rival UPC, with Rwandan support, took back Bunia several months later, the FRPI fled to the countryside. 

Eventually, the FRPI was brought in, along with other Ituri militia, through a mixture of incentives for commanders, military operatoins, and a demobilization program. These measures, however, were only partially successful. The UN launched operations against the FRPI as part of a broader series of operations against Ituri militia in 2005. This would be first of many UN and Congolese operations against the FRPI.

Germain Katanga was named general in the Congolese army in January 2005, and in 2007 was arrested on an ICC warrant and sent to The Hague. The bulk of FRPI troops, now under the commander of Justin Banaloki, aka Cobra Matata, however refused to join a demobilization program until late 2007, when Cobra and most of his commanders joined the Congolese army.

Several hundred FRPI fighters, however, angered by Katanga's arrest and distrustful of the Congolese government, stayed in the bush. January 2008, the UN and the Congolese army launched another operation against these FRPI fighters, but the militia quickly regained control over the area. In June 2010, Cobra Matata defected again from the Congolese army, complaining that he and his fellow FRPI commanders had been mistreated and that their ranks had never been confirmed. 

Following several new operations against the FRPI by the Congolese army, Cobra Matata was invited to Bunia for negotiations and then detained in November 2014. A new demobilization process was launched in December 2014 by the government; FRPI combatants were put up in a transit camp and fed by the government. Following Cobra's official arrest and transfer to Kinshasa in January 2015, FRPI soldiers radicalized their demands and a new round of fighting began, followed by more negotiations, and now this latest round of fighting backed by MONUSCO. 

This history lesson leads me to several points:
  • One can see why Iturians would be cynical about yet another operation to get rid of the FRPI, a group of several hundred fighters, and an armed group that the government in Kinshasa had a hand in creating;
  • Related: Is the problem "rapacious rebels" or more systemic? FARDC operations in Ituri have been dogged by allegations of abuse (an example here) and corruption (see here, p. 67, for example). Many Iturians feel that the FARDC has been less than serious in tackling the FRPI, as the group justifies lucrative deployments in the area;
  • Why are all of these demobilization and integration exercises failing? There indications that the demobilization and reintegration programs have been poorly executed (see here, pp. 65-68) and that few lessons have been learned over the past ten years of DDR programs;
  • Whereas Ituri is dramatically better off today than it was a decade ago, almost nothing has been done to address the land conflicts and other local grievances that were the initial cause of miltia formation in the late 1990s. See Koen Vlassenroot and Chris Huggins' article here for more background on those conflicts. 
For more background on the FRPI, see Henning Tamm's 2013 report here

Friday, June 5, 2015

The attack on Goma airport: Big fish or small fry?

Goma airport (Courtesy: Tseum/Flickr)
On Tuesday this week the airport in Goma was attacked by a group of assailants, who killed at least four soldiers and apparently tried to make off with a stockpile of ammunition. By morning, rumors were making the rounds. Was this once again Rwanda, attempting to destabilize the East? Some pointed out that a large part of Congo’s small air force was based at Goma airport, making it a strategic target. Others suggested that this might have been an inside job, a group of army officers trying to steal ammunition to sell on the black market.

By the next day, the official version had come out: this was a group of former Mai-Mai, led by a certain Kambale Malonga. He had been arrested along with around twenty others, thanks to intelligence provided by the Rwandan government, which was able to trace his cell phone communication (apparently putting to rest the rumor that the Rwandan government was behind the coup).

But who is Malonga and why did he carry out the attack?

Malonga has strong rebel credentials: this is, after all, not the first time he attacked Goma. As he reminded Congolese security officials during an interrogation, he had attacked the city during the occupation of the Rwandan government in 1998, and had been supported by Laurent Kabila––the current president’s father. While he was a lesser figure among the many Mai-Mai leaders of the time, during the transition government (2003-2006) he became the leader of a political coalition of ex-fighters called Parti national Mai-Mai (PANAM). That transitional period was the time in which armed groups cashed in, trying to transform their military prowess into political positions and cash buyouts.

The problem was, there were only so many positions to go around, and the Mai-Mai, while frontline fighters for the Kabila governments, were poorly connected and often lacked formal education. Many fell by the wayside. It was less than surprising to see, in subsequent years, new rebellions staffed by the same leaders. Lacking any viable options, they had gone back to do what they did best.

Malonga was one such example. In a raft of documents (available here and here) from 2009 to 2014, Malonga complains that he was never given the positions he asked for, even though he joined the ruling coalition in 2011.

In 2012, after the M23 rebellion was launched with support from Rwanda, Malonga went back to the bush, founding the  Union des patriotes pour la paix (UPCP) along with Sikuli Lafontaine and Albert Kahasha. While these latter two commanders then joined the M23 in August 2012, Malonga sided with the Congolese army and received (probably modest) support to fight against the M23. Following the defeat of the M23 in November 2013, Malonga demobilized, but once again failed to obtain what he perceived as his just recompense.

So was the Goma airport attack just the latest installation of Malonga’s use of violence as a means to bargain for power and money? Perhaps––it would certainly not be surprising, and he readily confessed after his arrest. But questions still remain: It is unlikely that he would have acted alone––this kind of attack requires money and manpower. Furthermore, attacking Goma airport is a poor bargaining tactic. It is too sensitive a target, likely to embarrass and anger the government to such a degree that they would be unlikely to reward him with anything. As countless Mai-Mai groups know, the best way of bargaining is by holding territory, showing you have the capacity for broader destabilization, while not undermining relationships by attacking major population centers (poor peasants, however, are fair game). Of course, the fact that he was so easily arrested and appeared so nonchalantly later also raises questions.

There are other alternatives. Perhaps this was not a bargaining tactic, or even a desperate attempt to avenge himself for being snubbed by the government, but a message sent by others backing him. Much like is rumored for attacks on the Lubumbashi airport in 2011 and 2012, and feeble coup attempts in Kinshasa in 2004 and 2013, this attack may have been a way for politicians to send a warning to the government. Or it could have even been a cover for government officials trying to steal weapons, or trying to create hysteria on the eve of elections.


In the Congo, these kinds of dramatic attacks are rarely what they seem to be. We may know a lot about Malonga, but how much do we know about his motives?

Thursday, June 4, 2015

Podcast: Elisabeth Caesens on mining in the Congo (Part II): Katumbi and the battle over a new mining code

This is part II of our podcast with Elisabeth Caesens, an advisor to the Carter Center and the former head of their mining governance program in the Congo. This part discusses Governor Moise Katumbi and the battle between companies and the government over a new mining code.