Jerome Bonso (Photo: John Bompengo, Radio Okapi) |
Jerome Bonso est parmi les activistes
congolais qui suivent le processus électoral en RDC de près. Il est le coordonnateur d’Agir
pour les élections transparentes et apaisées (AETA) et président du la Ligue
Nationale pour les Elections Libres et Transparentes (LINELIT)
Cette transcription a été légèrement
raccourcie de l’original.
En
novembre dernier, vous avez publié une analyse du calendrier [électorale]. À
l’époque il y avait seulement un calendrier partiel, et vous aviez conclut déjà
à cette époque qu’on était sept mois en retard par rapport au calendrier électoral.
Nous avons maintenant un calendrier global publié par la CENI qui prévoit les
élections locales pour octobre 2015, et les élections présidentielles avant la
fin de 2016. Qu’est-ce que vous pensez par rapport à ce calendrier?
Nous saluons la publication du calendrier électoral global. C’était notre
exigence, parce que nous avions souhaité qu’on puisse mener toutes les
séquences liées aux élections, surtout
l’échéance liée à l’élection présidentielle qui est une exigence constitutionnelle.
Et dans le
calendrier global, nous avons salué le fait qu’on ait donné des indications
précises sur le début de l’élection présidentielle le 27 novembre 2016. Et on a
donné aussi une date précise sur la [prise en fonction] du nouveau président le
20 décembre 2016. Et ça nous met en confiance que nous n’irons pas au-delà du
mandat du président de la république.
Pour la
chronologie des opérations électorales. Pour 2015, la CENI nous présente des
élections locales et provinciales à effectuer. Et nous avons dit qu’il y a
beaucoup d’aléas qui affectent la tenue d’élections locales. Il y a le facteur
temps : le temps ne permet pas qu’on puisse organiser des élections
locales, parce qu’elles comptent à elles seules 1500 à 2000 circonscriptions
électorales.
Il y a aussi un
autre problème : la gestion des contentieux électoraux. [Pour cela] il
faudrait des tribunaux de paix, or sur l’ensemble du territoire national nous
avons à peu près 140 tribunaux de paix. Parmi les 140 il y a en a au moins une
cinquantaine qui sont [fonctionnels]. DNous serons
incapable à l’heure qu’il est de procéder à la formation de juges électoraux
pour la gestion du contentieux électoral au niveau des élections locales, parce
que la gestion du contentieux électoral ne peut pas être laissé entre les mains
de juges de droit commun, droit pénal, et droit coutumier.
Quand nous avons
fait l’élection présidentielle et la députation provinciale en 2011, il y avait
18 580 candidats pour la députation nationale. Il y avait 169 circonscriptions
électorales. Hors pour l’élection locale, nous aurons à peu près 220 candidats
[par circonscription], avec plus ou moins 2000 circonscriptions électorales.
Mais en 2011 nous étions incapables de gérer plus de 18 000 candidats députés
nationaux avec 169 circonscriptions !
À cela s’ajoute
l’exigence financière. Les élections de 2011, en date du 30 janvier 2014, la
Commission électorale nationale indépendante avait présenté sa feuille de route.
Sur sa feuille de route il avait demandé $750,212,788 pour trois années. Pour
2014, il avait demandé $323,125,301 pour la rémunération, pour le
fonctionnement du bureau de la CENI, pour des opérations électorales, et pour
l’investissement. Quand ce document est arrivée à l’Assemblée nationale,
l’assemblée nationale a votée un montant de $169 million au lieu de $
323,125,301. Et quand on a voté ce montant, le gouvernement devait dégager cet
argent pour le mettre à la disposition de la CENI, pour que la CENI puisse
produire son calendrier électoral partiel. Mais le gouvernement a seulement
débloqué $50 millions sur $169 millions. Donc le calendrier partiel publié en
date du 26 mai 2014 par le CENI n’a pas pu être exécuté faute de moyens
financiers.
Donc vous
craignez que la même chose se passe avec ce calendrier électoral – qu’on ait
pas assez d’argent…
...et
actuellement, on publie le calendrier électoral global. Pour le montant d’un
$1,145,408,680. Et cet argent, c’est pour faire peur à l’opinion. Pour dire
qu’on peut justifier le glissement de l’organisation d’une élection
présidentielle qui est une exigence constitutionnelle.
Donc, d’après vous, si je comprends bien, compte tenu de tous
ces problèmes, vous insistez toujours qu’on supprime carrément les élections
locales, qu’on les renvoies pour après les élections présidentielles?
Affirmatif.
Quand on a présenté le calendrier, la
Commission électorale indépendante à présenté aussi 23 contraintes liés à la
mise en oeuvre du calendrier. Ça veut dire quoi; il a présenté des contraintes
d’ordre législatives, des contraintes d’ordre technique, des contraintes
d’ordre sécuritaire. Il a dit: “nous pouvons faire les élections à conditions
que vous répondez favorablement au 23 contraintes.” Hors le calendrier partiel
que la CENI avait présenté 14 contraintes.
"La CENI n’a pas l’argent dans sa caisse. La CENI n’a pas tous les textes de loi liés à l’organisation des élections locales. La CENI n’a pas la cartographie des nouvelles villes."
[Maintenant] il a
présenté 23 contraintes. Aucune de ces contraintes, à l’arrivée de la
publication du calendrier, n’est maîtrisée. La CENI n’a pas l’argent dans sa
caisse. La CENI n’a pas tous les textes de loi liés à l’organisation des élections locales. La
CENI n’a pas la cartographie des nouvelles villes.
C’est pourquoi nous avons dit, comme un raccourci, avec le temps
qu’il nous reste de 8 mois, nous devons commencer par faire la priorité des
élections. La priorité constitue à quoi: 1) En 2015, on organise les élections
de la députation provinciale. De cette députation provinciale on va arriver à
l’élection sénatoriale. De cette élection sénatoriale, on va organiser les
élections de gouverneurs et vice-gouverneurs, qui sont déjà hors mandat. À ce
moment-là, on a résolu les zones de crises de légitimité au niveau des
institutions sénatoriales, gouvernorats et assemblées provinciales. À ce
moment-là, on projette les élections pour l’automne après 2016, pour ne pas handicaper
l’organisation des élections présidentielles et députation nationale qui
constituent une exigence constitutionnelle.
Voilà notre solution. Et
maintenant, comment y arriver? Pour y arriver, il y a un problème: il faut
qu’on puisse dégager un consensus politico-électoral. Ce consensus
politico-électoral devait être le résultat d’un dialogue politique.
Mais comment
arriver à ce dialogue politique? Les commentaires que vous faites-là, ce n’est
pas la première fois que vous les faites, vous n’êtes pas la première personne
à les faire. La CENI jusqu’a présent à refusé d’ouvrir ce genre de dialogue.
Ce n’est pas
de la compétence de la CENI. Ça relève de la compétence de la classe politique.
Ça relève de la résolution 2098 du Conseil de sécurité. Dans son article 14.b,
le Conseil de sécurité demande au Représentant spécial du Secrétaire-général
des Nations unies, M. Martin Kobler, l’allemand, d’offrir des bons-offices à la
classe politique congolaise pour un dialogue politique inclusif pour la
réconciliation, la démocratisation, et l’organisation d’élections provinciales
et locales. De ce cadre-là, qu’on va se mettre
d’accord pour faire la priorité, pour dégager un calendrier électoral
consensuel. Parce que le discours politique a été mal dissimulé dans l’opinion
congolaise. Quand on parle du dialogue, on a l’impression qu’on va partager le
pouvoir. Non. Le dialogue va porter sur le processus électoral.
M. Kobler, si
je me rappelle bien, l’année passée il a essayé justement de mettre ce mandat
en oeuvre, en réunissant un peu les gens d’à gauche à droite, la société
civile, l’opposition et la classe politique, justement pour cela. Et il a été
mis en garde par le Président de la république, qui lui avait fait part qu’il
ne voulait pas que l’ONU s’ingère dans les affaires de la souveraineté du
Congo.
Oui, tout à
fait, tout à fait. Mais le contexte a beaucoup évolué. Le contexte
a changé avec les événements que nous avons connus du 19 au 21 janvier. [Les
manifestations à Kinshasa, NDLR]
"Nous pensons que le dialogue est incontournable. Incontournable."
Même quand il y a
les belligérants sur le terrain, sur le champ de bataille, ils refusent le
dialogue, mais en fin de compte ils vont y arriver. Quoique nous pensons que le
dialogue est incontournable. Incontournable.
Ma dernière
question c’est par rapport au fichier électoral, parce que ça aussi ça fait
partie de la controverse électorale.Quel est le
statut du fichier électoral, et si on ne passe plus un recensement de la
population, comment on va mettre à jour ce fichier électoral?
Le fichier
électoral pose des problèmes. Le fichier électoral a posé des problèmes en
2006, parce qu’on a fait l’élection sans qu’il y ait recensement dans tout le
pays du Congo. De 1984 à nos jours il n’y a jamais eu un
recensement. C’est pourquoi on s’était convenu qu’on puisse procéder à l’enrôlement
des électeurs. Tout congolais de 18 ans ou plus devait se faire enrôlé. Et en
2006, on était arrivé à un corps électoral de plus de 25 millions d’électeurs.
Nous sommes allez aux élections, et il n’y a pas eu de nettoyage du fichier
électoral. Il n’y a pas eu d’audit externe du fichier électoral. Et nous sommes
allé aux élections de 2011, et on avait un fichier électoral qui avait 32
millions d’électeurs. De 25 à plus de 32 millions, mais il n’y a pas eu un
audit extérieur.
Quelle est la
prochaine étape [dans ce processus électorale] ?
La CENI a un
handicap majeur: les moyens financiers. Et nous faisons le plaidoyer
pour que l’on puisse doter la CENI de l’autonomie financière. La CENI ne doit
pas dépendre seulement du gouvernement pour aller chercher l’argent, on devrait
doter la CENI de l’autonomie financière pour qu’elle puisse disponibiliser les
moyens financiers à temps pour faire son travail. Si ces moyens financiers ne
sont pas disponibilisés et aussi la CENI n’est pas dotée de son autonomie
financière, nous ne pourront pas encore faire les élections dans le délai
constitutionnel.
Vous pensez
que les bailleurs de fonds devraient décaisser l’argent pour le budget?
Oui, les
bailleurs de fonds devraient se mobiliser maintenant pour doter l’argent, pour
diffuser les moyens, avec préférence l’organisation urgente de l’élection
présidentielle. Ça c’est une exigence constitutionnelle. Pour qu’il n’y ait pas
d’excuses comme l’a dit le sénateur Russ Feingold, qui a dit que l’Amérique va
disponibiliser $20 million pour l’organisation de l’élection présidentielle.
Que le reste des partenaires techniques et financiers puissent emboîter le pas
à disponibiliser les moyens financiers à temps.
Merci, M.
Bonso, au revoir.
Au revoir.
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