Jean Kenge Mukengeshayi est l'ancien redacteur en chef du Phare.
C’est au début du mois de juin que le
chef de l’Etat congolais a entamé des consultations sur le dialogue politique
national. Chefs coutumiers, leaders religieux, acteurs de l’opposition comme de
la majorité ont fait le déplacement au Palais de la Nation. Jeudi 11 juin était
le tour des ambassadeurs, conduits par le représentant spécial du secrétaire
général de l’ONU et patron de la MONUSCO, Martin Kobler. Face au président
congolais, les ambassadeurs ont insisté sur le respect de la constitution, avant de promettre que la communauté
internationale jouerait un rôle positif sur les points tels que le fichier électoral, les nouveaux majeurs, le
calendrier électoral et les questions budgétaires.
S’il faut
s’en tenir au nombre des invités reçus par Joseph Kabila ainsi qu’à
l’engouement suscité par son appel, force est d’admettre que les consultations ont récolté un succès plutôt mitigé. Les déclarations faites par les
uns comme les postures adoptées par d’autres ont en effet démontré que le
chemin reste encore long vers la mise en œuvre effective du dialogue politique.
Divergences
De ces
déclarations et postures, il ressort que le premier obstacle dans la mise en
œuvre du dialogue réside dans la fracture qui traverse la classe politique,
particulièrement au sein de l’opposition. Ainsi, l’Udps qui avait été la
première à lancer l’idée de ces assises a refusé de s’associer aux
consultations présidentielles. Elle a en plus émis deux préalables qu’elle
considère comme des conditions sine qua non. Premièrement : le dialogue
doit s’inscrire dans le cadre de l’Accord cadre d’Addis-Abeba. Deuxièmement :
le dialogue devra se dérouler sous médiation internationale.
Une posture
qui ne peut que satisfaire la communauté internationale très préoccupée par la
stabilité de la RDC – et donc de la sous-région – et qui entend par conséquent
rester au cœur du dossier congolais par le biais de l’accord d’Addis-Abeba et
des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité qui l’ont accompagné. Plusieurs
analystes ont cependant noté que la volte-face de l’UDPS a coïncidé avec l’apparition
des premiers signes de division au sein du parti d’Étienne Tshisekedi entre les
pro-dialogue, réunis autour du secrétaire général Bruno Mavungu et dont le principal
animateur est Félix Tshilombo Tshisekedi, fils d’Étienne, et les anti-dialogue
dont la figure de proue est le conseiller politique du leader de l'UDPS,
Valentin Mubake Nombi.
Ces
divisions s’ajoutent à celles de l’opposition dans son ensemble, dont plusieurs
composantes ont, contrairement à l'UDPS,
rejeté le principe même du dialogue. C’est le cas du MLC de Jean-Pierre Bemba
Gombo, de l’UNC de Vital Kamerhe, et de la plateforme Forces Acquises au Changement
dirigée par Martin Fayulu. Tous présentent un artifice destiné à conduire,
derrière un faux consensus, à un glissement du mandat présidentiel.
Flou autour de l’agenda
Question capitale :
que vaudrait, au nom de la stabilité et d’un processus électoral apaisé, un
dialogue auquel ne participeraient pas l’Udps comme principale force politique
de l’opposition et, bien sûr, le MLC et l’UNC ?
L’autre
défi de taille concerne l’agenda des assises. L’UNC, le MLC, les FAC ainsi que
d’autres forces politiques et sociales opposées au dialogue stipulent que la seule
question qui mérite d’être discutée à ce stade est celle du calendrier
électoral, dont il faut expurger les élections locales et même provinciales,
afin d’alléger le coût et le délai du processus. Un ordre également validé par
l’Udps qui a exclu toute perspective d’une nouvelle transition ou d’un
gouvernement d’union nationale qui conduirait au non respect de la constitution
en matière de mandat présidentiel.
C’est
monseigneur Laurent Monsengwo Pasinya,
archevêque de la ville de Kinshasa, qui a justement résumé la question
qui hante le microcosme politique congolais à la suite de sa rencontre avec le
chef de l’État : «dialoguer oui, mais dialoguer sur quoi ? »
Du coup, la
question de l’agenda se retrouve au cœur de toutes les stratégies des acteurs
politiques congolais, quand bien même certains évitent de l’évoquer
publiquement. Là où d’aucuns pensent que Joseph Kabila devrait impérativement
se prononcer à l’issue des consultations sur l’objet du dialogue, d’autres,
comme Stève Mbikayi du Parti Travailliste, proposent la création d’une
commission préparatoire chargée de proposer à la fois le contenu et les
contours du dialogue.
Prudente, la
majorité qui s’est également rendue aux consultations préfère brandir
l’argument de la recherche d’un climat apaisé pour aller aux élections. Réponse
de l’opposition : tant qu’un ordre du jour précis n’aura pas été défini,
c’est bien là l’arbre qui risque de cacher la forêt du glissement.
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