Ne Muanda Nsemi (Radio Okapi) |
Suisse, Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Belgique, RDC…Le 20 août, la
Communauté Ne Kongo aussi bien de la diaspora que de l’intérieur du pays était
en ébullition. Sur la toile comme sur les réseaux sociaux, une déclaration au
vitriol s’en prenait violemment à Ne Muanda Nsemi, député, président national
du parti politique d’opposition Congo Pax, chef spirituel du mouvement
politico-religieux Bundu Dia Kongo, BDK. En espèce, la déclaration désavouait
totalement le leader politico-religieux notamment lorsqu’elle affirme, en
substance, que «les
Bakongo dénient toute qualité à Muanda Nsemi de parler en leur nom car
n’ayant reçu aucun mandat de leur part.»
Cette déclaration était validée par des figures emblématiques de l’espace
Ne Kongo comme Marie-Thérèse N’Landu, Noël Mbala, André Mpika…
La goutte ayant
fait déborder le vase est la déclaration faite le 18 août, au cours d’un
meeting à Muanda, par le leader Ne Kongo, dans laquelle il invitait les
ressortissants du Kongo Central à adhérer au schéma d’une transition de trois
ans à mettre en place à l’issue du dialogue national proposé par le président
Kabila. Insultes et jets de pierres ont suivi ce discours, stoppant net un
meeting qui n’a pas duré plus de cinq minutes. La déclaration cite comme
vecteurs de ces messages de haine les bulletins du BDK Kongo-Dieto n°1850,
1851, 1852… ainsi que le discours du 22 juillet 2015 à l’occasion du 53ième anniversaire
de la création de la province du Kongo Central, au cours duquel Ne Muanda Nsemi
avait incité les Bakongo à chasser du Kongo Central les ressortissants d’autres
provinces, notamment les Baluba, les Bangala, les Baswahili.
La déclaration de la Communauté Ne Kongo (A lire sur www.fweley.wordpress.com)
fustige les appels répétitifs à la xénophobie ainsi qu’à la haine ethnique
contre les non-originaires. Elle plonge dans le douloureux passé des tueries et
massacres attribués aux forces de l’ordre en 2002, 2007 et 2008, du fait,
accuse la déclaration, de certains actes violents et déclarations irresponsables
inspirés par le leadership de Ne Muanda Nsemi. Tueries et massacres qui
ont dépassé le cadre du mouvement politico-religieux pour s’étendre
indifféremment sur tous les ressortissants Ne Kongo rencontrés par les forces
de l’ordre. Soit, poursuit la déclaration, un bilan de plus de 5.000 morts,
hommes, femmes et enfants fauchés sous le prétexte du rétablissement de l’ordre
public troublé par l’activisme du BDK.
Autre comportement reproché à Ne
Muanda Nsemi, son auto-proclamation, en date du 22 juillet 2015, selon la
déclaration, comme Vice-président de la République, dictateur divin à qui tous
les acteurs politiques Bakongo doivent fidélité, la révocation du
Gouverneur du Kongo Central suivie de la nomination d’un nouveau Gouverneur de
son choix devant une foule des membres de son mouvement et des sympathisants.
Autant d’actes constitutifs de graves violations de la Constitution pour
laquelle des jeunes ont payé de leur vie en janvier 2015, souligne la
déclaration, en vue d’empêcher le glissement que prône désormais Muanda Nsemi.
Tirant les conséquences de tous ces actes, les signataires de la
déclaration du 20 août, tout en reconnaissant le combat de Muanda Nsemi en ce
qu’il dénonce les injustices dont souffrent les Bakongo au Kongo Central,
lui dénient en revanche toute qualité pour parler en leur nom. Ils
invitent les ressortissants d’autres provinces à se vivre en paix au Kongo
Central et à Kinshasa, tout en rendant le Président Joseph Kabila, le président
de l’Assemblée nationale Aubin Minaku ainsi que le Gouverneur du Kongo Central
Jacques Mbadu, responsables de tout dérapage éventuel de Muanda Nsemi et de ses
partisans, du fait de la xénophobie et
de la haine tribale prônées par le député. Ils rappellent que Muanda Nsemi est
seulement leader de son église BDK et de son parti, et qu’il n’a par conséquent
ni le droit, ni le mandat de s’autoproclamer leader des Bakongo.
Avec ce dernier épisode, Ne Muanda
Nsemi ainsi publiquement désavoué par la communauté dont il est originaire,
paraît avoir perdu jusqu’à l’illusion de la légitimité nécessaire pour
représenter les Ne Kongo sur la scène politique congolaise. Le rappel des
événements douloureux de 2002, 2007 et 2008 n’a pour objectif que de souligner
à quel point il en était, au minimum, coresponsable, du fait de ses discours
enflammés, anti-régime certes pour valider son ancrage dans l’opposition mais
aussi teintés de xénophobie et de haine tribale. Ce rappel indique surtout à
quel point Ne Muanda Nsemi n’a pas pris la mesure du sentiment nationaliste de la Communauté Ne Kongo, la première à
avoir réclamé, au plus fort du régime colonial, l’indépendance non pas de
l’espace Kongo seul mais de tout le territoire national. Contrairement au
nationalisme tribal du leader de BDK tendant plutôt à remettre en cause ce rôle
historique dans une démarche négationniste que l’élite Kongo ne pouvait
continuer de cautionner sans se faire hara-kiri quand, en dépit de l’occupation
par des forces étrangères et des rébellions récurrentes, l’Est du pays par
exemple n’a survécu à toutes les épreuves qui se sont abattues sur lui depuis
une vingtaine d’années que par le sentiment de son appartenance à l’entité
nationale.
Enfin, en se faisant le chantre, sans condition ni garantie, du glissement
prôné par le pouvoir, Ne Muanda Nsemi a donné l’impression sinon d’avoir été
acheté, à tout le moins d’avoir basculé corps et biens. Un véritable crime pour
une Communauté qui a affiché, lors des différentes consultations électorales
organisées depuis la fin de la transition post Sun-City, son ancrage sans
nuance dans l’opposition. Rappelons que la dernière consultation en date, la
présidentielle de 2011, avait donné une victoire écrasante à l’opposant Etienne
Tshisekedi avec 626.482 suffrages sur 846.049 exprimés dans le Bas-Congo,
soit 74, 04%. Au total, le leader de
l’Udps l’avait emporté dans 11 circonscriptions sur les 12 que comptait la
province, contre une seule pour Joseph Kabila.
Il reste que Ne Muanda Nsemi ne serait pas allé aussi loin dans sa
mystification si les élites Ne Kongo ne l’avaient pas laissé faire, dans
l’espoir que le BDK serait une sorte de bulldozer qui permettrait, en surfant à
la fois sur le sentiment tribal et le mysticisme religieux comme éléments d’une
identité retrouvée, de faire mal au régime à défaut de le terrasser. En banalisant
la croisade de BDK et en tolérant son nationalisme au rabais, ces élites
confirmaient malheureusement, par l’absurde, le déficit de leadership qui
frappe l’espace Ne Kongo, orphelin du guide spirituel humaniste et de l’immense
leader politique que furent Simon Kimbangu et Joseph Kasa-Vubu. Le premier fut
le chantre du messianisme noir, le second l’apôtre du nationalisme congolais.
Créé en 1969 par Ne Muanda Nsemi, le BDK
n’était en fait que le triste constat de l’absence dans l’espace Ne Kongo
d’une vision élevée à l’instar de celle incarnée par Simon Kimbangu et Joseph Kasa-Vubu. En
faisant le choix d’un repli communautaire, il pariait sur le détachement, à terme, du Kongo central
de l’entité nationale au profit d’un foyer identitaire recroquevillé sur ses
traditions. L’échec des incidents de 2002, 2007 et 2008 ainsi que le
basculement opéré par Ne Muanda Nsemi viennent ainsi apporter la preuve de tout
ce que les Ne Kongo pouvaient craindre. A savoir que BDK n’était qu’une triste
imposture.
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