C’est un véritable séisme qui vient de secouer la scène politique en République Démocratique du Congo à la suite de deux événements majeurs survenus en fin de semaine dernière et au début de celle-ci. Il s’agit d’abord du communiqué rendu public dimanche 13 septembre par le président national de l’Udps. Communiqué dans lequel Etienne Tshisekedi prend «acte de l’échec des entretiens de Venise et d’Ibiza, ayant mis aux prises ses représentants et ceux du camp Kabila». Avant de «demander à ses délégués de se retirer, dès cet instant, de la table des négociations».
Il y a, ensuite, la lettre ouverte datée du lundi 14 septembre, qu’un groupe de sept partis politiques appartenant à la majorité présidentielle vient d’adresser à Joseph Kabila. Dans cette lettre, les auteurs, organisés dans une structure communément appelée G7 – en référence au nombre de partis politiques qui la composent - prônent à la fois le respect de la constitution en ce qui concerne la limitation des mandats présidentiels, l’alternance politique et l’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles.
«Les Congolais ne veulent pas d’un retour à la dictature. Nous ne voulons pas vivre la situation du Burkina Faso. Nous ne voulons pas de troubles. Préparons l’alternance dans la tranquillité, dans le calme pour connaître des élections apaisées et honnêtes», a martelé Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l’Unafec et l’un des ténors du G7, dans une interview accordée à Radio Okapi.
Globalement, les auteurs de la lettre n’ont pas porté des gants pour mettre le doigt dans la plaie : «Il semble fondamental de garantir le respect absolu de la constitution ». Ils ont, dans la foulée, lancé à Joseph Kabila un appel pathétique à prendre « des initiatives courageuses » afin d’éviter au pays «une crise politique aux conséquences imprévisibles». La lettre adressée au chef de l’Etat est signée par Yves Mobando Yogo (Mouvement Social pour le Renouveau), Olivier Kamitatu (Alliance pour le Renouveau du Congo, José Endundo (Parti Démocrate-Chrétien), Banza Maloba (Avenir du Congo), Gabriel Kyungu wa Kumwanza (Union Nationale des Fédéralistes du Congo), Charles Mwando Nsimba (Union Nationale des Démocrates Fédéralistes), Christophe Lutundula (Alliance des Démocrates pour le Progrès).
C’est donc un véritable tourbillon qui souffle sur la scène politique congolaise. Si, d’un côté, la publication de la lettre des frondeurs de la majorité a fait l’effet d’une petite bombe, de l’autre côté, le communiqué de rupture des contacts avec la majorité rendu public par Etienne Tshisekedi n’a toujours pas cessé de provoquer des vagues, particulièrement dans un contexte où d’autres franges de l’opposition organisaient, mardi 15 septembre sur la Place Ste Thérèse à Ndjili, leur démonstration de force dans le cadre du front du refus du dialogue.
Une démonstration qui a connu un succès apparent. D’abord par la mobilisation considérable, un jour ouvrable, qui a caractérisé cette manifestation, signe de l’intérêt que manifeste la population aux appels de l’opposition. Ensuite l’intrusion des perturbateurs généralement proches de la majorité, avec coups et blessures. Une intrusion qui constitue à la fois une signature, dans la mesure où ce sont des délinquants estampillés proches du PPRD qui ont troublé le meeting de l’opposition, mais aussi l’aveu que si troubles il y a ce serait effectivement du fait d’un pouvoir qui entend s’imposer par la force, et que pour cet exercice il serait déjà en train de rôder sa machine de répression.
Deux signaux émis mercredi 16 septembre par la majorité sont venus confirmer ce message. Le premier est l’appel lancé par le PPRD au chef de l’Etat afin qu’il se base sur les conclusions à la fois des consultations du mois de juin et des contacts avec les délégués de l’Udps pour lancer définitivement le train du dialogue. Envers et contre tout ? Le deuxième signal, c’est l’exclusion des membres du G7 de la majorité, sur décision du bureau politique de la famille politique du chef de l’Etat réuni mardi 15 septembre. L’un comme l’autre, ces signaux ne peuvent être interprétés que comme l’expression de la volonté du pouvoir d’imposer son propre schéma, au risque de radicaliser les positions de tous les acteurs de la vie politique congolaise.
Question alors : que va-t-il arriver aux Congolais, que leur préparent leurs leaders politiques ?
L’Udps a eu une chance en n’ayant pas franchi la ligne rouge qui aurait conduit le parti d’Etienne Tshisekedi à tourner le dos à son combat d’une quarantaine d’années, à divorcer de ses militants qui se seraient violemment entredéchirés avant de se chercher des leaders de substitution. Dans l’opposition où on apprécie le retour au bercail de l’Udps, certaines voix estiment cependant que le seul communiqué du 13 septembre ne suffit pas pour l’exonérer. On attend par contre du parti d’Etienne Tshisekedi qu’il reconnaisse le tort de la fausse analyse qui l’a conduit à croire à la bonne foi du pouvoir. Toutefois, on continue à entendre au sein de l’Udps un «glissement» sémantique entre rupture et suspension des contacts, selon que l’on passe d’un interlocuteur à l’autre, ce qui ne peut qu’être porteur de confusion et d’incertitude.
Autre inconnue de taille : quelle sera l’attitude et donc la démarche globale de l’opposition dans les jours et les semaines à venir ? Le meeting de la Place Ste Thérèse a certes été un succès, mais ce succès sera-t-il garanti sans l’Udps, dont quelques factions mécontentes ont été aperçues lors du rassemblement de Ndjili ? En d’autres termes, l’opposition est-elle en mesure de se doter d’une charte définissant les droits et les devoirs de ses membres face à la question de la fin du mandat de Joseph Kabila et à l’impératif de faire respecter la constitution ? Alors que l’Udps a semblé résister, d’autres forces politiques et sociales visibles le 15 septembre à Ndjili ne seront-elles pas tentées par les sirènes du partage du pouvoir qui déboucherait sur une nouvelle transition et une modification de la constitution ?
En principe, ces objectifs devraient amener l’opposition à accueillir l’Udps qui reste, tout de même, la principale force politique de l’opposition, au sein de la Dynamique pour des Actions Communes, quand bien même la définition des objectifs communs ne suffira pas si elle n’est pas assortie d’une stratégie cohérente afin d’éviter le piège de la division qui lui sera tendu avec l’attrait des postes ministériels. Mais aussi et surtout pour proposer une alternative réellement crédible au refus du dialogue – si elle existe - ainsi que des garanties sérieuses, quel que soit le cas de figure, que l’opposition ne se retrouvera pas toujours l’éternel dindon de la farce congolaise.
Enfin, tout porte à croire, à ce stade, que le pouvoir sort globalement affaibli des derniers événements, avec tous les risques des réactions disproportionnées d’énervement. La rupture des contacts avec l’Udps lui a fait perdre la caution dont il avait besoin pour, d’abord, justifier le glissement, ensuite concocter la révision constitutionnelle derrière laquelle il ne cesse de courir depuis des mois. Une démarche maladroite qui avait parié sur la maladie d’Etienne Tshisekedi, au point de laisser croire que les affaires de l’Udps étaient désormais gérées par la famille biologique du leader de ce parti, son fils en tête. Le retour présumé de santé d’Etienne Tshisekedi ne pourrait pas seulement permettre la reprise en mains de l’Udps par ce dernier. Elle pourrait inéluctablement conduire, après l’échec des contacts de Venise et d’Ibiza, à la montée en puissance de la ligne dure ainsi qu’à l’organisation d’un congrès où émergera un nouveau leadership.
Alors que les éléments d’une radicalisation et d’une confrontation majeure sont en train de se mettre lentement mais sûrement en place, personne n’est en mesure de dire où va la RD Congo. En réalité, la RDC se trouve à l’un de ces tournants de l’histoire où le destin des peuples et des nations hésite avant de basculer…
Saturday, September 19, 2015
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