Malgré un contexte
rendu difficile par des contraintes incompressibles du calendrier électoral et
une suspicion politique généralisée, les plus optimistes continuaient de penser
que la démission, le 10 octobre dernier, du président de la centrale électorale
congolaise avait comme unique soubassement la maladie qui obligeait ce dernier
à effectuer de longs et fréquents séjours médicaux à l’étranger, à se tenir longtemps éloigné du siège de son
institution et des obligations de son mandat.
Force est de se rendre à l’évidence : cette
démission était l’arbre cachant la grande forêt du malaise qui entoure
l’administration électorale congolaise. Moins de trois semaines, en effet,
après la démission de l’abbé Apollinaire Moholungu Malu Malu, voici celle de
son adjoint, le PPRD André Mpungwe. Une démission annoncée plusieurs jours
avant par la puissante «radio-trottoir»
congolaise, pointant d’intenses
pressions de la famille politique du vice-président de la CENI.
Selon la même source, la valse imposée à la CENI vise en
réalité à la nettoyer des derniers vestiges des frondeurs du G7 accusés de
faire de la résistance. En ligne de mire, la questeure Chantal Ngoy, issue du
MSR de Pierre Lumbi Okongo, mais aussi d’autres postes détenus, au sein du
bureau comme en plénière, notamment, par des membres du parti ARC d’Olivier Kamitatu
Etsu. L’un et l’autre sont des ténors de ce regroupement politique issu de la
majorité, qui a récemment pris ses
distances en accusant celle-ci de
vouloir violer la constitution en ne respectant pas ses dispositions
pertinentes et impératives sur le mandat présidentiel, mais aussi de chercher à
bloquer le fonctionnement de la CENI pour mieux obtenir le «glissement» des
échéances électorales.
Concrètement, il suffirait que, dans les semaines qui
viennent, les personnalités ainsi visées démissionnent pour que la CENI soit
bloquée, et que démarre le laborieux processus de son renouvellement. Ce qui
constitue, en soi, la chronique d’un
glissement déjà annoncé! Il y a en effet lieu
de noter que le remplacement de l’abbé Malu Malu est à l’heure actuelle au
centre d’une vive polémique opposant les confessions religieuses. La
désignation du candidat Corneille Nangaa
par ces dernières est bruyamment contestée par la puissante église
catholique, qui critique, selon elle, un
processus biaisé et peu transparent, ainsi qu’un accord préalable entre
certaines entités religieuses. Cette contestation a évidemment pour effet de
jeter le discrédit sur un profil dont les autres membres de la sous-composante
religieuse disent pourtant qu’il répond parfaitement aux critères de technicité
et de neutralité !
L’ironie du sort, dans cette affaire, c’est que l’église
catholique n’est plus seule sur la voie de la contestation. Elle a été rejointe
par une plateforme des églises de réveil dénommée HCERCA, soit Haut Conseil des
Eglises de Réveil, Charismatiques et Autres,
qui s’est déclarée « non concernée par les déclarations faites par
certains pasteurs qui n’ont pourtant aucune qualité pour engager les églises de
réveil», précisant que la plateforme ne «reconnaissait pas le candidat
Corneille Nangaa comme étant l’émanation des églises, ministères et mouvements
de réveil ».
Rappelons que la question du renouvellement de la CENI
était déjà inscrite à l’agenda de plusieurs partis politiques et organisations
de la société civile en prévision du dialogue, lors des consultations tenues
par Joseph Kabila au mois de juin dernier. Plus récemment, l’Udps avait fait de
cette restructuration un des objectifs majeurs d ‘un éventuel
dialogue avec le pouvoir. Enfin, ce point de vue d’un expert congolais en
matière électorale, en l’occurrence Jérôme Bonso qui déclarait en début de
semaine, à la suite de la démission d’André Mpungwe, que les turbulences
actuelles au sein de la CENI devaient notamment servir à recomposer son bureau
à la faveur du dialogue. «Nous souhaitons, a-t-il dit, que cette question de la
recomposition du bureau de la Commission électorale et de sa plénière soit
inscrite à l’ordre du jour du dialogue politique. C’est à partir de là qu’on
pourrait lever un consensus pour procéder à la désignation de nouveaux
animateurs, de contribuer à la crédibilisation de la CENI et du processus
électoral».
Jérôme Bonso a-t-il des chances d’être entendu par les
partisans du passage en force, synonyme d’une CENI aux ordres du pouvoir ?
Au stade actuel, il faut reconnaître que les cartes se trouvent dans les mains
de Joseph Kabila et de sa majorité : ou la MP organise la restructuration
de la CENI selon son goût et ses humeurs, avec toutes les conséquences que cela
implique, ou la question, posée également par l’Udps lors de ses pré-contacts
avec le pouvoir, attend la tenue du dialogue pour être traitée de manière
«consensuelle». Le fait est que, dans un
cas comme dans l’autre, l’effet sur le calendrier électoral a un seul
nom : «glissement».
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